dimanche 24 juin 2012

L'immense

Peut-on
Peut-on se remémorer la rencontre

Cet instant où le regard repliant ses ailes
Se pose
Cet instant où les vibrations emplissent le corps

Peut-on

Peut-on transcrire le frisson
Les jambes devenues trop faibles
La conviction qu’il faut s’asseoir et attendre
Attendre ce que désormais
On ne devra plus attendre

Attendre encore d’y voir encore
Car les yeux se refusent à l’évidence

Evidence d’encre sur papier
Evidence de ce qui prend forme
De ce qui naît qui n’existait pas
Pas encore

Les lettres vacillent
Mais on se dit que non tout de même
On ne peut vraiment pas défaillir
Pas maintenant ni ici

Les fleuves les rivières demandent
A sortir de leur lit
On essaie on essaie fort
De construire digues et renforts

Seulement voilà
Seulement c’est tout
On ne peut pas

Il n’y a plus rien ici
Ni digues ni renforts
Plus rien ici
Que les prénoms aimés
Que les peintures sur les murs
Plus rien car tout est là
Tout

Et tout était là depuis toujours
On le savait on le voyait

Mais c’étaient d’autres yeux que ceux-ci
C’était un autre cœur une autre vie

°
Le seul absent
C’est toi
Qui tiens ma main
Depuis toujours
°

Alors on se penche
Et on respire
Alors on s’éloigne
Et on revient
Et puis on pleure
Un peu
Et un peu plus
Peut-être
Parce que voilà
On n’y peut rien

On note seulement
Que le gardien se détourne
Pour nous laisser seuls

Seuls pour mesurer ici et maintenant
L’immense

Plus vaste qu’on avait pu l’imaginer
Plus vaste que l’infini d’un tracé
Plus vaste que tout ce que jamais
On ne pourra


(Pour Edmond Jabès)

mardi 12 juin 2012

Aux lueurs d'escarbilles

Soulevés de leur lit de fibres écrues
Les mots sont vecteurs d’images

Elles s’affichent en couleurs saturées
Viennent féconder le centre de mes iris embués

Pendant qu’au loin un milan royal déploie ses ailes
Et amorce sa spirale ascendante

J’ouvre grand la fenêtre
De la maison devenue presque silencieuse

J’entends les oiseaux sur le toit
Et le cliquetis de leurs griffes sur les tuiles

Je ne sais pas pourquoi
Je ne sais pas comment

Mais je nage à contre-courant
Toujours à contre-courant

Le feu pétillant lance ses flèches escarbilles
A la conquête de la nuit d'ébène

Je le sens arracher la chair de mes os
Sans eau sans eau pour une jarre de terre

Je vois des lettres comme des écailles s’assembler
Et unir mots rampants en phrases serpents

Ils cherchent le soleil feu du jour
Dans l’urgente nécessité d'y loger pour grandir et muer

Errant seule sur les remparts de ma raison en ruine
J’écoute encore la voix des chimères

Au souffle de feu