dimanche 2 décembre 2012

Le message




J’ai trouvé ce matin
Un message que tu m’avais laissé
Il y a bien longtemps

Je l’ai lu à l’aube naissante
Pour la toute première fois

Alors soudain
Et comme autrefois
Le soleil a traversé la fenêtre
Pour se glisser dans mes cheveux

                        Je crois qu’il s’y est assoupi

Puis doucement
La rue s’est parée de teintes bleutées
Au loin
La rumeur des artères

Enfin
La pièce s’est assombrie mais
J’ai laissé la lumière                          éteinte

J’avais dans les yeux
Assez d’étincelles
Pour ramener le jour

Car soudain
Et à nouveau
J’allais vers notre rencontre

Avec sur le dos
Un manteau de nuit

Avec sur la tête
Un voile de silence



mardi 31 juillet 2012

Triptyque

27.07

S’ouvre à nouveau
Le jour
Entre ardente poussière
Et ton front algide

Il ravive

Béante et cuisante la blessure d’où s’écoule
En flot noir ininterrompu l’épure de ta douleur

Si tu pouvais rester
Si tu pouvais
Retenir encore un peu
Demain
Au creux de tes paumes

Mais déjà il s’échappe
Comme alevins d’ombres
Glissant entre tes doigts

T’emmenant avec lui
Au gré
Des rivières d’émeraude


27.07+1

Tu traverses maintenant
La nuit
Les yeux grands ouverts

Tu connais la cartographie des étoiles
Tu sais
Sous leur noir manteau de velours
Leurs lueurs d’opale

Tu vas
Ballotté entre remous des méandres
Et courant paisible des canaux

Le chant des eaux lave tes peines
Dans la promesse des grandes étendues

Il n’est pas de répit
Pas encore
Dans les lits d’airain
Mais il s’en vient


27.07+2

En ton poing
Tu as étreint quelques fractions de secondes
Pendant que les étoiles
Dans leur ballet incessant
Laissaient place au jour

A leur retour tu les as saluées
Lançant vers le firmament
Tes bras mus par le désir d’elles

L’aube a déposé
Sur ton front brûlant
Un baiser

°

L’aurore embrase les volutes aériennes
De ton ciel d’été

L’amour est là qui te tient la main
Sa respiration calquée sur la tienne
Il recueille les mots que tu lui confies
Te glisse en échange quelques-uns des siens
À emporter

Aucun cataclysme en vue
Juste un pas
Ou deux

C’est tout ce qui te reste à parcourir
Tu sauras que tu as franchi le seuil
Lorsque tu sentiras sous tes pieds nus
Le sable encore gorgé de lune
Multitude de semences d’étoiles
Que tu fouleras de ton pas

Léger
Sans attente




mercredi 4 juillet 2012

microcosme

ils sont terre malléable ils cherchent la réminiscence d’un voyage inaugural l’eau vive des sources le souvenir du feu les formes naissantes sous lune rouge les ombres fraîches des soirs de printemps ils cherchent les fractions du temps pour les assembler en un collier de perles un pont bâti de nuit pour y glisser leurs lueurs ils attendent

tes doigts
tes mains

potier

ils attendent
blottis

dans l’air que tu respires lourd d’odeurs dans le son de la ville masquant le chant des oiseaux dans les gouttes semées dans le vent gris et froid envolant les pages du livre ils rêvent en ton sein de bleuets et de pavots des blés ondoyant au vent ils esquissent quelques mouvements bientôt tu ne pourras plus contenir

leur flot
leur rage

poète

ils s’assemblent
se rassemblent

tu entends la rumeur monter gronder leur appel que tu dois ignorer encore privé que tu es de tes mains que d’autres ont liées dans ton dos leur chant commence à s’élever tu sais que bientôt tu ne pourras plus résister tu devras céder la place toute la place le jour se levant ils jailliront te demanderont ton nom tu leur chuchoteras évanescent

le leur

dimanche 24 juin 2012

L'immense

Peut-on
Peut-on se remémorer la rencontre

Cet instant où le regard repliant ses ailes
Se pose
Cet instant où les vibrations emplissent le corps

Peut-on

Peut-on transcrire le frisson
Les jambes devenues trop faibles
La conviction qu’il faut s’asseoir et attendre
Attendre ce que désormais
On ne devra plus attendre

Attendre encore d’y voir encore
Car les yeux se refusent à l’évidence

Evidence d’encre sur papier
Evidence de ce qui prend forme
De ce qui naît qui n’existait pas
Pas encore

Les lettres vacillent
Mais on se dit que non tout de même
On ne peut vraiment pas défaillir
Pas maintenant ni ici

Les fleuves les rivières demandent
A sortir de leur lit
On essaie on essaie fort
De construire digues et renforts

Seulement voilà
Seulement c’est tout
On ne peut pas

Il n’y a plus rien ici
Ni digues ni renforts
Plus rien ici
Que les prénoms aimés
Que les peintures sur les murs
Plus rien car tout est là
Tout

Et tout était là depuis toujours
On le savait on le voyait

Mais c’étaient d’autres yeux que ceux-ci
C’était un autre cœur une autre vie

°
Le seul absent
C’est toi
Qui tiens ma main
Depuis toujours
°

Alors on se penche
Et on respire
Alors on s’éloigne
Et on revient
Et puis on pleure
Un peu
Et un peu plus
Peut-être
Parce que voilà
On n’y peut rien

On note seulement
Que le gardien se détourne
Pour nous laisser seuls

Seuls pour mesurer ici et maintenant
L’immense

Plus vaste qu’on avait pu l’imaginer
Plus vaste que l’infini d’un tracé
Plus vaste que tout ce que jamais
On ne pourra


(Pour Edmond Jabès)

mardi 12 juin 2012

Aux lueurs d'escarbilles

Soulevés de leur lit de fibres écrues
Les mots sont vecteurs d’images

Elles s’affichent en couleurs saturées
Viennent féconder le centre de mes iris embués

Pendant qu’au loin un milan royal déploie ses ailes
Et amorce sa spirale ascendante

J’ouvre grand la fenêtre
De la maison devenue presque silencieuse

J’entends les oiseaux sur le toit
Et le cliquetis de leurs griffes sur les tuiles

Je ne sais pas pourquoi
Je ne sais pas comment

Mais je nage à contre-courant
Toujours à contre-courant

Le feu pétillant lance ses flèches escarbilles
A la conquête de la nuit d'ébène

Je le sens arracher la chair de mes os
Sans eau sans eau pour une jarre de terre

Je vois des lettres comme des écailles s’assembler
Et unir mots rampants en phrases serpents

Ils cherchent le soleil feu du jour
Dans l’urgente nécessité d'y loger pour grandir et muer

Errant seule sur les remparts de ma raison en ruine
J’écoute encore la voix des chimères

Au souffle de feu


mardi 29 mai 2012

Dans un écho

Le bleu du ciel danse dans le plumage
D’un couple de pies venu fouler mon ombre

Sur mon visage le souffle de leurs ailes
Dans leur élan des branches jusqu’aux nuages

Je connais l’emplacement de leur nid
Mais c’est un navire que je vois poindre à l’horizon

Je gis dans le parfum des foins
Lovée dans un écho
Guettant le chant d’un oui
Porté par les fleuves





Eclatement

En couleurs encore distinctes
Par mes doigts sur le papier étirées
Par un mouvement de ma main
Aux yeux grands ouverts

Je ne sais si tu étais le rouge ou le bleu
Etais-tu peut-être
Le violet qui en naîtrait plus tard

Tu étais quoi qu’il en soit
Ouverture d’eau
Infinité tournoyante
Bordée de pétales éclatés d’amour

C’était l’annonce en moi
De la floraison de toi



jeudi 12 avril 2012

Vers l'autre rive

Une longue traversée s’annonce avant que tu ne touches à nouveau terre

Dans cette embarcation sans rames
Tu guettes chaque souffle chaque tremblement du vent dans la voile
Chaque mètre parcouru est un mètre de gagné tu le sais

Dans cette embarcation sans gouvernail
Lorsqu’au large la tempête se lèvera
Tu devras garder le cap
Encore
Lorsque tu verras son visage se dessiner dans l’écume
Et encore
Lorsque tu entendras sa voix dans le chant des sirènes
Garder le cap toujours
Pour lui pour eux pour l’enfant
Pour toi qui n’es plus que pale lueur dans l’obscurité lourde et pesante de ton cœur

Tu te sens si fatiguée
Fatiguée de tout
Tu voudrais dormir pendant un siècle
Et ne te réveiller que pour découvrir que tout cela n’était qu’un cauchemar
Tu voudrais effacer les jours
Rembobiner les nuits
Anéantir le malheur en appeler à d’autres auspices

Lorsqu’enfin tu lèves les yeux
Tu ne vois que bois patiné et ciel menaçant
Le bleu du ciel se noyant dans celui de la mer

Le silence tisse une couverture épaisse
Que seul un albatros perce parfois de son cri

Tu ne sais pas tu ne sais plus réfléchir tout semble brouillé
Tu cherches comment diriger ta colère uniquement contre l’ombre de l’assassin qui a pris la mer à tes côtés
Car celle de la victime et la sienne sont si intimement mêlées que tu ne peux les distinguer
Tu ne pourrais annihiler l’une sans blesser l’autre

La colère reste donc tapie là
Dans le nid de tes entrailles
Se disputant la place avec le chagrin et la tristesse qui submerge tout

Lorsque l’horreur déferle à nouveau sur ta coquille de noix
Tu cherches ta respiration et tu invoques le ciel et les quatre vents

Tu parviendras au port tu le sais
Auprès de l’enfant d’elle
Qui t’attend




dimanche 8 avril 2012

Pour deux ou trois mots

pour deux ou trois mots
murmurés à mon oreille

j’ai troqué le monde contre un rien
dans l’éclairage neuf d’un matin d’été

je laisse
les choses où elles sont
inchangées dans le manteau du temps

je laisse
les morts dans leur terre
dans l'éther dans les souvenirs dans les mots

plutôt que de remuer toute cette poussière toute cette boue
de mes mains nues en mon cœur
j’élève leur demeure

je suis
le jaune d’un tournesol noyé dans ton regard
je suis
le vert d’un pré aux reflets luisants
je suis
le bleu de la mer se mirant dans l’infini

pour deux ou trois mots
murmurés à mon oreille


mardi 3 avril 2012

Sur l'inertie du blanc

du ventre de quelle couleur suis-je née
noyée
de ce bleu de cobalt tournoyant
ou de celui presque noir
d’une nuit étoilée
dans quels méandres vers quel delta
quels sont les poissons
qui nagent dans mon courant
reconnaîtraient-ils ma voix
si je prononçais leurs noms
à travers quelle roche
sur quel minerai
mon eau
la même toujours
passe-t-elle
sans s’arrêter
jamais
combien de rencontres
combien
de corps engloutis
me faudra-t-il encore charrier
combien de larmes à diluer
d’amants à bercer
vers quels rapides
dans quel fracas
comment
refouler mes larmes
et porter encore
les eaux de ma peine
quelque part
entre ma gorge et mon ventre
priant encore de pouvoir contenir la crue
je suis perdue
dans un labyrinthe bâti d’encre liquide
je cherche sans le trouver le fil
ou les ailes
ou l’asile
je ne peux régurgiter les images
impunément
la compréhension naît quelque part
au milieu de mes entrailles
dans un fatras loin de ma tête
je regarde les mots droit dans les yeux
lorsqu’ils deviennent mouvements
sur l’inertie du blanc
je jette au loin les patronymes
pour élever à bout de bras les initiales

aux ondoiements de la tristesse
sous ma peau
je préfère ceux de la joie
bordant ce chemin